"Arrivent alors ceux qu'on appelle les Annamites, sans trop bien savoir de quelle région de l'Indochine française viennent, ni comment ont été recrutés, avec leurs sous-officiers qui les encadrent et les mènent à la cravache, ces trois cents hommes frileux, engagés dans un combat qu'ils n'ont pas compris. Ils souffrent de cet interminable hiver 1939-1940 si rigoureux que le vin cristallise dans les caves de Villeloup et que les routes, défoncées par le gel, sont hâtivement rebouchées par des cailloux et des traverses de chemin de fer sur des centaines de mètres. Ceux-là font le trajet à pied, en rang sous leur burnous de laine, entre l'atelier et le camp voisin de Villarché où ils sont cantonnés. De tous les travailleurs temporaires qui passèrent à ASS ces quelques mois de fièvre, les Annamites devaient impressionner la mémoire des anciens de la plus forte manière et les récits abondent à leur sujet. Ne raconte-t-on pas qu'ils se baignaient, le soir, dans les marmites débarrassées de leur mélinite ? (1)

Extrait du livre "Histoire de l'Atelier de Chargement de Salbris", par Jean Paul Bouquin.

(1) Certains de ces ouvriers sont affectés à la colorante compression de la mélinite. On multiplie alors les plaisanteries sur la couleur de leur peau.